• Nicolas Hulot, le pacte médiatique



    Nicolas Hulot, le pacte médiatique


    Le lancement du « pacte écologique » de Nicolas Hulot a bénéficié d'un accueil dythirambique dans les médias. Invité sur France-Inter, à la télévision, en Une du Figaro et du Monde, l'animateur de télévision est présenté partout comme un grand défenseur de la cause écologiste. Même Politis, journal qui se veut « alternatif » face aux médias dominants, titra : « Nicolas Hulot, le croisé de la décroissance ». Alors que l'ami de J.Chirac s'est toujours dit opposé à ce mouvement.
    Face à cette déferlante, il est utile de rappeler quelques faits sur Nicolas Hulot. Comment gagne-t-il sa vie? Quelles sont ses activités? Qui sont ses amis et soutiens ?, et surtout, quelles sont ses idées ? Bref, pourquoi le télé-écologiste aux discours inoffensifs et aux actions timides est un parfait « produit médiatique ».


    Nicolas Hulot est animateur de télévision, créateur de l'émission « Ushuaïa » depuis le début des années 1990. Pour ses quatre émissions annuelles, l'homme de télé est rémunéré la modique somme de 30 000 euros par mois. Il faut ajouter à cela les droits d'auteur qu'il touche pour ses ouvrages (Le Syndrome du Titanic s'est vendu à 160 000 exemplaires) et un pourcentage sur les ventes des livres et des DVD Ushuaïa.
    Mais plus qu'une émission de télé à grande audience, Ushuaïa, c'est un label « 100% rentable », comme le prouve le journal économique L'Expansion dans une enquête sur ses produits dérivés :
    « TF 1 a cédé en quinze ans la licence d'exploitation à plus d'une quinzaine de sociétés (L'Oréal pour les cosmétiques, Atol pour la lunetterie, Rhonetex pour les vêtements, Lexibook pour l'électronique grand public, Quo Vadis pour la papeterie...) et cautionné ainsi la commercialisation d'une soixantaine de produits dérivés en France. En jouant, même si la chaîne s'en défend, sur l'identification Ushuaïa-Nicolas Hulot pour les consommateurs.
    TF 1 estime à... 100 millions d'euros le chiffre d'affaires annuel généré par tous les produits griffés Ushuaïa. »
    (1)


    4x4 Ushuaia
    Parmi ses produits dérivés, citons un encens déclaré cancérigène par UFC-Que Choisir (220 microgrammes de benzène par m3), les gels douches en plastique, et le magazine appelé... Ushuaïa. (2) Dans ce magazine, que trouvons-nous ? De belles images de nature, et des reportages poignants sur les bonobos. Entre les deux, des publicités... pour les produits dérivés Nicolas Hulot : lunettes, gels douches, et DVD. Dans le premier numéro du magazine, sur les 10 premières pages, 7 sont des publicités. Les pages 2 et 3 sont une pub pour un véhicule haut de gamme Renault (Espace). Sur la dernière page - la plus lue après la couverture - figure une réclame pour un 4 x 4 Volvo vendu environ 50 000 euros : «Volvo XC90, la nature est si belle que pour la découvrir, il fallait un 4 x 4 aussi beau et respectueux »
    Il faut dire que Nicolas Hulot n'a jamais été un grand pourfendeur de l'automobile. Parmi les produits dérivés de la marque de TF1, il existe en effet le 4 x 4 « Ushuaïa » Nicolas Hulot, un Peugeot-Partner. Que les transports soient responsables de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre importe peu. Cette voiture est écologique puisque, « l'air conditionné n'est proposé qu'en option, même sur le modèle Ushuaïa Grand Raid qui coiffe la gamme.» (3)
    La question se pose : Nicolas Hulot serait-il instrumentalisé par TF1 ? Laissons répondre l'intéressé : « TF1 décline des produits dérivés qui permettent à l'émission de télé d'être financée. Au début, j'ai été surpris par cette stratégie, mais je m'y suis fait. Cela ne me choque plus du moment que je garde le contrôle du contenu de l'émission et ma liberté de parole.(...) . Mais il est vrai que je me demande parfois jusqu'où on peut aller. » (1)


    Les sponsors
    Mais Nicolas Hulot ne se veut pas un simple animateur de télévision. Il veut « mettre sa notoriété au service d'une cause d'intérêt général » (4) En 1990, il crée la Fondation Ushuaïa qui prendre son propre nom cinq ans plus tard. Pour créer cette structure, forte de plusieurs dizaines de salariés, il faut de l'argent. Les premiers donateurs sont TF1, L'Oréal et EDF. Mais d'autres entreprises vont s'associer à Nicolas Hulot et faire un don : les autoroutes du Sud de la France, Bouygues Telecom, Valorplast, Apple, Décathlon, Énergie Système, ETT, Eurotherm, Giordano Industries, Grohe, Knauf, Lafarge, Saint-Gobain Isover, Siplast Icopal, Tetra Pak France, UGAP, Weber et Broutin, Yprema...
    Que les entreprises les plus polluantes, celle qui construit les autoroutes où rouleront toujours plus de voiture, celle qui transforme le pétrole en plastique jetable, celle qui génère des déchets nucléaires pour des millions d'années, celle qui bétonne la nature et celle qui vend à Coca-Cola du « temps de cerveau disponibles » puissent être des donateurs d'une telle fondation... n'est en fait pas très étonnant.
    Dans une échelle des valeurs juste, la charité est seconde derrière la volonté de justice. La charité ne devrait être là que pour pallier les dysfonctionnements d'une société humaine par nature imparfaite. Dans la société de consommation, au contraire, la charité devient première. La charité devient une sorte de « caution éthique » qui permet de légitimer l'ensemble du système. C'est exactement le rôle que joue Nicolas Hulot pour le système industriel. Partenaire des multinationales les plus polluantes (E.Leclerc, Bouygues, Lafarge...), il est la plus efficace façon pour la «mal-économie » d'éviter toute remise en cause qui ne soit pas seulement superficielle. Lilianne Bettencourt, troisième fortune de France, héritière de L'Oréal donne la pièce.
    la Fondation Nicolas Hulot (FNH) se cantonne à un vœu : l'« éducation à l'environnement ». Ses missions sont sobres et peu ambitieuses : « prendre conscience et faire prendre conscience “qu'il faut donner du sens au progrès”, que le progrès est synonyme de générosité et de solidarité ». Ou encore : « Prendre conscience et faire prendre conscience que les actes ont des conséquences qu'il faut évaluer avant leur mise en œuvre, qu'il faut penser ses actes.»
    Rassuré par de tels objectifs, l' afficheur publicitaire JCDecaux applaudit. La campagne pour la Fondation a été offerte par l'agence de pub CLM BBDO, et affichée gratuitement par l'entreprise Decaux, histoire de légitimer cette activité totalement délinquante et parasitaire qu'est la pub.



    Défi chez Bouygues
    Le groupe ASF s'enorgueillit aussi de collaborer à l'action de la Fondation. On peut lire sur son site Internet : « Attentif à l'intégration environnementale de ses autoroutes tout au long de leur concession, le groupe des Autoroutes du Sud de la France agit pour protéger le cadre de vie des riverains, préserver la diversité et la richesse naturelle et valoriser les paysages traversés. C'est donc naturellement qu'il a décidé de soutenir le programme de la Fondation Nicolas Hulot qui vise à enrayer la perte de la diversité biologique. » .
    Au final, Nicolas Hulot fait distribuer 3 millions de son nouveau Petit Livre Vert « Défi pour la Terre » dans les supermarchés Leclerc, et 100 000 dans les boutiques Bouygues Telecom, qui vendent des téléphones portables. Les mesures du « Défi pour la Terre » consistent à expliquer au peuple de fermer l'eau en se lavant les dents mais surtout de ne pas poser des questions dérangeantes aux multinationales.
    Pour le télé-écologiste, il n' y a pas de contradiction. « Quant aux puristes qui lui reprochent de financer sa fondation avec les dons d'entreprises pas toujours écologiquement correctes, il rétorque qu'il préfère l'argent privé à l'argent public et précise qu'il part du principe “que l'on peut faire évoluer les entreprises de l'intérieur”. La preuve : il a été invité à parler de développement durable devant les cadres du groupe Bouygues. » (6) E. Leclerc est d'accord le dit d'une autre façon: « C'est vrai, [le développement durable] est un concept à la mode. Tant dans le monde des entreprises que dans tout débat de société. Et alors ? De tout temps, les marchands ont su récupérer les bons slogans. » (7)


    Pagny, Besson, Miss France
    Nicolas Hulot a des amis, beaucoup d'amis, pour le soutenir dans sa démarche. Lors du lancement de son dernier livre, le Pacte écologique, écrit en réalité par l'ancien rédacteur en chef du Monde, Jean-Paul Besset, était présent « une brochette d'amis du show-biz de quoi faire pâlir d'envie un Nicolas Sarkozy» (8) : Corinne Lepage, le patron de Véolia environnement Henri Proglio (aussi membre du groupe d'armement Thalés), Julien Clerc, Luc Besson, Mathieu Kassovitz et « revenu de Patagonie, Florent Pagny en tenue kaki d'explorateur ». Nous gardons la « liberté de penser » que cette aéropage n'est pas le plus crédible pour parler d'écologie et de social.
    Sylvie Tellier, Miss France 2002, a elle aussi signé le « Défi pour la terre » : elle « choisit des appareils économes en énergie », « préfère les produits respectueux de l'environnement », « utilise moins la voiture pour aller travailler », « conduise souplement et moins vite ». (9)
    Un autre ami de Nicolas Hulot est Yves Paccalet, auteur d'un opus nauséabond au titre évocateur : L'humanité disparaîtra, Bon débarras ! (10), largement applaudi par els journalistes, qui n'ont certainement pas pris le temps de lire le livre. L'humanité y est décrite comme une « tumeur » « affreuse, bête et méchante », un « cancer » qui se développerait avec pour moteur la « pulsion sexuelle ». « Elle nous incite à nous multiplier comme le font aussi les poux, les cafards, les rats... », écrit ce grand humaniste, invité, entre autres, sur Ushuaïa TV (11).


    Idées pâles
    Pour Jean-Paul Besset, principal rédacteur des livres publiés sous le nom de Nicolas Hulot, celui-ci est « un homme libre ». Le doute sur son éventuel candidature est savamment maintenue. « Comme grand témoin, il se faisait balader. C'est pourquoi il a décidé de passer à un autre stade, de devenir acteur en s'engageant dans la bataille politique à l'occasion de l'élection présidentielle ». (12)
    Celui qui a refusé plusieurs reprises un poste de ministre de l'Environnement se lancerait-il enfin en politique ? Dans cette optique, le « pacte écologique » lancé aux candidats à la présidentielle devrait donner la teneur d'un programme écologique ambitieux. Or, son maigre contenu ne peut que frapper un observateur attentif. Homme de communication, Nicolas Hulot lance « 10 objectifs » et « 5 propositions », mais ceux-ci sont très imprécis. Concernant l'agriculture, il s'agit de « concilier la production agricole avec le respect de l'environnement ». Le mot « biologique » n'est pas prononcé. Sur la santé, il faut engager une « politique de prévention » envers les pesticides et les OGM. Les mots « réduction » ou « interdiction » est honnis. À peine apparaît timidement le mot « taxe » sur les carbones, qui est la seule proposition forte, dont s'emparent les journalistes. Les deux dernières propositions quittent le terrain de l'écologie pour plaider en faveur de la « démocratie participative » et de l' « éducation à l'environnement ». De même, sur le site Internet du Pacte écologique, on cherchera vainement « le quart de la moitié du commencement » d'un programme politique.
    D'où vient alors que Nicolas Hulot bénéficie de l'image d'un homme courageux, qui demande des mesures fortes ? Politis a même décrit Nicolas Hulot comme un « croisé de la décroissance » dans on édition du 9 novembre, alors que l'animateur a dit lui-même : « Je ne crois pas à la décroissance économique. (...) Progressivement, il est possible de créer de nouvelles filières sans toucher à la croissance. » « Il faut se développer autrement et non cesser de le faire » (13) En cela, il est fidèle à une des missions de sa Fondation : « Prendre conscience et faire prendre conscience que les engagements écologiques, sociaux et économiques doivent êtres conjoints. Qu'ils représentent un investissement positif sur le long terme ».
    Cette position conciliante envers la logique du marché explique son ambiguïté sur la question nucléaire, « Il ne faut pas fermer la porte à une éventuelle quatrième génération de centrales. », a-t-il déclaré dans Le Monde (14). Rappelons que le logo d'EDF est sur la première page du site de la FNH, et l'entreprise honorée comme un « partenaire fondateur ».


    « Il n'attaque pas... »
    Faire de la politique, proposer des lois, mettre des limites à l'appétit des multinationales ou des consommateurs est un langage étranger à l'animateur de TF1. Ancien photographe du Paris-Dakar reconverti dans l'édition de luxe, Yann Arthus-Bertrand fait partie du réseau Hulot. Il résume l'attitude politique du clan Hulot:
    « Ce qu'il me plaît, c'est qu'il n'attaque pas. Moi qui ai toujours voté pour les Verts, cette fois-ci je ne voterai pas pour eux. Par leur idéologie antilibérale, antinucléaire, ils ont tout gâché »
    « Il n'attaque pas », il ne fait pas de politique. Le journaliste du Figaro note que « le philosophe Pierre-André Taguieff (...) applaudit lui aussi la démarche “dépolitisée” de Hulot : “Il ne répond pas seulement à un mouvement d'opinion, mais à un phénomène moral. La prise de conscience écologique, c'est aussi un retour du sacré, et la fin d'un appauvrissement spirituel” ».(8) Tout est dit : l'écologie reste dans une dimension morale, donc hors de la sphère d'action politique. Le tout est non de légiférer , mais de suivre la voie Hulot : « prendre conscience et faire prendre conscience »... Les capitalistes en rigolent encore.
    Tout cela fait un bon produit médiatique, pas dérangeant, qui emporte l'enthousiasme. Hulot sait parler vrai, c'est un bon client, et les journalistes sont en terrain connu : ils s'interviewent entre confrères. Télérama a ainsi consacré huit pages de son numéro du 5 février 2005, dont sa couverture, à l'animateur de télévision Nicolas Hulot. « Châtain. Coupe de cheveux à rendre fou un coiffeur. Un tatouage sur l'épaule, une queue de baleine en pendentif [...] L'œil gauche cligne parfois comme une aile d'oiseau mouche. »
    Le 8 novembre, Nicolas Hulot a droit à une pleine page dans le Figaro. « Loin de prôner une "décroissance" appelée des voeux par certains», le héraut de l'écologie entend plutôt "redonner du sens au progrès". "C'est pragmatique et pas dogmatique", lance l'intéressé». Est-ce pour cela qu'il plaît au quotidien détenu par Serge Dassault, fabricant d'armes, lui aussi pas dogmatique dans le choix de ses clients ?


    conclusion
    Nicolas Hulot ne sert pas la cause écologique. Par les mesurettes qu'il propose et ses accointances avec les entreprises françaises les plus polluantes, il contribue à faire passer l'idée que la capitalisme et le profit sont conciliables avec un environnement préservé.
    Nicolas Hulot permet aux entreprises destructrices de se donner bonne conscience en finançant des programmes d'éducation à l'environnement.
    Nicolas Hulot ne parle jamais de la question sociale, celle qui fait que les premières victimes des pollutions (visuelles, sonores, aérienne) seront aussi les catégories les plus pauvres.
    Nicolas Hulot participe au recul du politique dont nous aurions tant besoin pour apporter des solutions au drame écologique, mais aussi social et culturel dont notre planète souffre.


    Sophie Divry pour decroissance.org


  • Commentaires

    1
    Jeudi 16 Novembre 2006 à 06:14
    Là, je ne suis pas d'accord
    On appelle souvent des "mesurettes" tout ce qui n'est pas radical, en oubliant que les grandes théories doivent un jour être confrontées à la réalité du terrain. Les idées n'existent pas toutes seules, il faut des hommes pour les véhiculer et les appliquer. Et ce n'est pas en se fermant toutes les portes qu'on se donne une chance de les faire vivre. Le productivisme, le libéralisme, ce sont des réalités. Pas des vues de l'esprit. Tout autour de nos pays, il y a un monde qui bouge et qui n'est pas du tout disposé à "désarmer" en matière économique. Ceux qui refusent de composer sous prétexte d'être "purs" ne se donnent aucune chance de faire un pas dans le bon sens. A trop vouloir faire, on ne fait rien. Je préfère me rallier à ceux qui ont de ces questions une vue plus distanciée, moins partisane. Plus raisonnable. Eux, ont une chance d'être entendus. On ne luttera pas contre le pouvoir de l'économie. Lorsque par exemple l'on veut protéger les baleines ou toute autre espèce de la chasse, la meilleure solution qu'on ait trouvée à ce jour consiste à montrer combien cela peut rapporter autant, et davantage à long terme, de les protéger, de les montrer, de rentabiliser leur préservation. Là, les hommes sont prêts à comprendre. Il faut être simplement réaliste. On traite avec l'humain...
    2
    Pablo
    Mardi 5 Décembre 2006 à 02:43
    Déception...
    Je trouve très dommageable pour votre blog de publier de tels ramassis de démagogie issue d'ignorance doublée de jalousie. Je vous encourage vivement à lire le pacte écologique pour vous éviter ce genre diffusion de mensonges, propagande facile, et autres âneries que Mlle Divry a osé écrire.
    3
    Vendredi 5 Janvier 2007 à 14:20
    VRAI
    J'apprécie de regarger les émissions de Nicolas Hulot. J'apprécie son combat pour l'écologie. Pour autant, ne soyons pas naïfs avant de signer son pacte écologique. QUESTIONS : L'ultra-libéralisme et le "profit maximum' (Bouygues... ) sont-ils compatibles avec l'écologie? Et dans quelle mesure? Se présentera-t-il? Je n'y crois pas. Il perdrait son "commerce". Est-il utile au débat politique?
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